A QUEL POINT LA PERTE DE REVENUS DE LA VICTIME DOIT ETRE PROUVEE?

mai 1, 2022

Bienvenue sur cette nouvelle publication de Maître DENIS-PERALDI, avocat spécialiste du droit du dommage corporel à NICE, Alpes Maritimes, VAR et Hautre Corse.

Quel que soit le contentieux concerné, la question de la preuve reste fondamentale.

Elle s’impose à l’appui de toute prétention, en vertu de l’article 1315 du Code Civil.

L’indemnisation du préjudice corporel n’échappe pas à cette règle, de sorte que, pour tout préjudice subi, la victime doit en établir la réalité, mais aussi le montant.

Bien des préjudices corporels sont prouvés par le médecin expert, qui, lors de l’expertise médicale, organisée par l’assureur, ou décidée par le juge, va énumérer et décrire les lésions traumatiques et leurs conséquences physiologiques.

Il utilise alors une nomenclature médico-légale, appelée Nomenclature DHINTILLAC.

Mais les préjudices économiques imputables à l’atteinte fonctionnelle ne peuvent être démontrés dans leur principe et leur étendue par l’expertise médicale.

La preuve est assez simple à rapporter, lorsqu’il s’agit de rembourser à la victimes des frais qu’elle a du engager, dont elle a conservé les justificatifs.

C’est loin d’être le cas lorsqu’il s’agit d’aborder la perte de revenus que la victime va subir à l’avenir, lorsque le médecin expert valide le fait qu’elle sera désormais dans l’incapacité de poursuivre la même activité professionnelle dans les mêmes conditions.

Démontrer consiste aussi a rendre le futur plausible.

Elle procède d’une évaluation économique prédictive, appuyée sur des données objectives, et des hypothèses crédibles.

Commence alors pour la victime et son avocat spécialiste du droit du dommage corporel un long travail d’analyse et d’argumentation pour justifier l’existence mais aussi le montant d’une perte de revenus à venir, découlant des conclusions de l’expert.

Il consiste tout d’abord à isoler les éléments probants, objectifs, sur les bouleversements que la victime a subi sur le plan professionnel.

Il est illusoire de faire admettre à l’assureur ou au juge qu’un simple projet projet, non encore réalisé, et uniquement allégué, puisse suffire à établir un préjudice né d’une perte de revenus.

Le raisonnement doit s’appuyer sur une situation professionnelle établie, dont il est démontrable qu’elle a été atteinte par l’accident corporel.

C’est à l’évidence le cas lors que la victime d’un accident corporel ne va plus être en mesure de reprendre son emploi, va faire l’objet d’une licenciement pour inaptitude, et ne peut reprendre une activité similaire.

Telle est la situation qu’à du à connaître par exemple en 2019, la Cour d’Appel de ROUEN, qui, après avoir retenu le bouleversement professionnel subi par la victime, l’a toutefois déboutée de sa demande au titre de la « PERTE DE GAINS PROFESSIONNELS FUTURS » (PGPF).

La Cour d’appel était prête à admettre « une incidence professionnelle », indemnisable de manière forfaitaire. Mais elle a en revanche estimé qu’une perte de revenu future n’était pas suffisamment démontrable dans son montant, même si la victime justifiait dans cette affaire qu’elle n’avais jamais pu retrouvé des emplois équivalents , et qu’elle a été contrainte de prendre des emplois précaires et bien moins rémunérés.

C’est donc l’impossibilité pour la victime de présenter un calcul économique « certain » qui a conduit la Cour d’Appel à refusé de faire droit à sa demande.

La jurisprudence de la Cour de Cassation:

La Cour de Cassation sanctionne cette décision. Elle impose en effet comme principe qu’un Tribunal (ou une cour d’appel) doit impérativement juger et indemniser une victime d’une perte de revenus future, à l’instant même où cette perte est étayée par sa perte de poste, et des emplois systématiquement moins rémunérateurs. (Cass. 2e Ch Civile 17 décembre 2020).

Si le juge estime que le montant et donc le calcul de la perte de revenu qui en découle est délicate, et trop prédictive, il ne peut pas pour autant refuser d’indemniser cette perte de revenus, et doit donc impérativement statuer, et fixer un montant d’indemnisation la victime pour la compensation de sa perte de revenu et de droits à la retraite.

Cette décision mérite de faire l’objet d’une publications, car, pour toute victime d’un accident corporel et pour les avocats spécialisés dans l’indemnisation du préjudice corporel, la question de la preuve est cruciale. Il est donc très important de prendre en compte qu’un certain degré de prédiction sur le montant d’une perte de revenus est admis, pour peu qu’il repose sur une cause établie et démontrée.