L’alerte n’est pas nouvelle, et, telles des grenouilles qu’on ébouillante peu à peu, les acteurs de l’indemnisation des victimes d’accidents corporels ne semblent pas percevoir la menace. Tout avocat praticien de l’indemnisation du préjudice corporel sait à quel point le respect des principes fondateurs du droit de la réparation est un combat de tous les jours.
Tandis que l’influence des assureurs est sans cesse activée pour parvenir au but ultime d’une indemnisation forfaitaire, soumise à des barèmes, la Cour de Cassation s’attache quant à elle à rappeler sans cesse que l’indemnisation reste propre à chaque victime, doit être appréciée en considération de sa situation personnelle, de l’atteinte fonctionnelle qui lui est propre, avec toutes ses conséquences. Evidemment, cela va à l’encontre d’une optimisation des profits des compagnies d’assurance, qui, en leur qualité de gestionnaire de risques, auraient un avantage évident à prédire au plus juste encore la charge des indemnisations, sans rencontrer dans tel ou tel cas, des préjudices particuliers, n’entrant pas dans leurs statistiques.
Mais toutes les victimes ressentent au plus profond d’elles-même que la bonne indemnisation est avant tout celle qui leur rend justice, qui leur permet d’avancer dans leur projet de vie, ce qui implique que le préjudice est totalement compensé, et ne laisse pas à leur charge des besoins qu’elles devront financer leur vie durant….par la faute d’un tiers.
L’indemnisation est intégrale ou elle n’est plus une indemnisation.
Mais la déshumanisation de notre société est en marche et contamine tous les domaines, celui de la santé, mais aussi son versant sociétale qui est le droit.
Cela fait des années que la Chancellerie est à la recherche d’une déjudiciarisation de certains contentieux. Plutôt que d’investir dans les moyens, il est effectivement économique de priver le justiciable de son accès au juge. La réforme du divorce est désormais consommée, et ne poursuit que ce seul but.
On aurait pu penser cependant que le droit de l’indemnisation du préjudice corporel serait préservé d’une telle menace, alors même que les très rares pays (notamment l’Espagne) qui se sont engagés vers une indemnisation forfaitaire uniformisée voient leur système dénoncé en raison de sa profonde injustice.
On peut tout à fait comprendre que l’indemnisation du préjudice corporel s’appuie sur des barèmes médico-légaux, des référenciels de décision, pour guider la réflexion, et éviter des disparités qui seraient incompréhensible. Mais pour autant, la base d’une évaluation n’est qu’un indicateur, permettant d’entreprendre sur des bases cohérentes un travail personnalisé d’évaluation. Le travail d’individualisation, mené notamment par l’avocat de la victime doit s’exprimer ensuite.
Mais, quand il s’agit de faire des économies sur le dos du justiciable, les principes ne font pas long feu, et même un garde des Sceaux issu de la noble profession des avocats n’est pas insensible au chant de la sirène numérique.
C’est ainsi qu’en sourdine, se développe l’idée qu’on pourrait pourquoi pas confier à des ordinateurs, par des algorythmes, la mission de rendre la justice.
Ce n’est hélas pas de la science fiction, tant il est vrai que s’expérimentent ici et là des juges numériques, dotés d’une intelligence artificielle.
Nous pensions que cela n’arriverait jamais, jusqu’à un premier arrêté du 27 mars 2020, par lequel fut autorisé la mise en expérimentation d’un algorithme sur l’indemnisation des préjudices corporels. Plusieurs associations de victime ont réagit à sa publication, et ont saisi d’une requête en annulation de Conseil d’Etat, fondée notamment sur l’atteinte au principe de l’individualisation de l’indemnisation, et de l’interdiction de principe d’évaluer servilement le préjudice en fonction de référentiels, sans une motivation individualisé pour chaque somme allouée.
Or, le Conseil d’Etat vient de rejeter ce recours, validant ainsi la démarche, qui, sous couvert de la création d’un outil référentiel (qui existait déjà), tend clairement à extraire l’indemnisation du préjudice corporel de la sphère judiciaire.
Maître DENIS-PERALDI, avocat à NICE, praticien de l’indemnisation du préjudice corporel, tenait à vous alerter sur cette évolution, qui, probablement, montrera vite ses limites….pour peu qu’il subsiste encore une certaine considération pour les victimes, dans le combat qu’elles doivent livrer face à un système d’assurance toujours plus puissant.
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