22 Mar 2021
Obtenir une nouvelle indemnisation du préjudice corporel, pour aggravation.

Bienvenue sur le site de Maître Laurent DENIS-PERALDI, avocat  à NICE, praticien et diplômé en droit de l’indemnisation du préjudice corporel.

Cette actualité a pour but de faire un point sur une évolution très récente de la jurisprudence sur les conditions de réouvertures d’un dossier d’indemnisation pour aggravation.

Préalablement, et pour rappel:

– L’indemnisation du préjudice corporel doit attendre la consolidation:

L’indemnisation d’une victime d’un accident corporel, qu’il ait pour origine un accident de la circulation, un accident de la vie, une infraction pénale ou autre, ne peut jamais être réglée, tant que la situation du blessé évolue.

Il y ce principe protège la victime corporelle, qui ne peut courir le risque d’être indemnisée alors que ses lésions ou leurs conséquences personnelles et économiques peuvent encore évoluer défavorablement.

Il préserve tout autant l’assureur tenu à l’indemnisation des dommages corporels, d’une indemnisation prématurée de préjudices qui vont disparaître ou s’atténuer au fur et à mesure des soins et de la convalescence.

C’est pourquoi l’évaluation définitive du préjudice corporel doit intervenir lorsque l’état de la victime est dit « consolidé », ce qui signifie qu’on estime qu’il ne devrait plus s’améliorer ou s’aggraver, même si les soins continue.

L’indemnisation se base donc sur un état actuel, figé à la date de consolidation, en prenant évidemment en compte son évolution prévisible et normale, et les répercussions futures sur la vie de la victime.

– L’indemnisation de la victime, pour ce qui concerne sa situation personnelle et professionnelle prend en compte sa situation au jour de l’indemnisation:

Dans la pratique, la consolidation médico-légale, qui va conduire à une recherche d’indemnisation, ne s’accompagne pas pour autant d’une stabilisation des conditions d’existence de la victime.

Depuis 2005, et en dépit d’une pratique qui a hélas la peau dure (notamment lors des expertises médicales), l’évaluation du préjudice corporel ne s’arrête pas à ses répercussions médicales, anatomiques ou fonctionnelles. Il faut impérativement prendre en compte les répercussions de l’accident sur la vie personnelle de la victime, au regard de sa situation antérieure, dans l’environnement humain et matériel qui était le sien.

Or, au jour de la consolidation, il est fréquent que la situation socio-professionnelle et/ou familiale de la victime n’est pas encore stabilisée.

C’est par exemple le cas lorsque la CPAM considère quant à elle que la consolidation n’est pas acquise, au regard de ses propres critères, et maintient donc l’arrêt de travail. On ne sait donc toujours pas si la victime pourra reprendre son travail, si elle devra être reclassée. Sous un aspect plus personnel, les adaptations matérielles qui concerne le logement, le véhicule, peuvent encore être en attente. La situation familiale, déterminante pour les modalités de la tierce personne, peuvent être également en pleine évolution au jour de la consolidation.

Les incertitudes liées à cette situation évolutive de la victime rendent alors l’indemnisation délicate et risquée pour elle. 

Cela conduit parfois les acteurs du processus d’indemnisation a différer encore l’indemnisation de certains préjudices, le temps d’y voir plus clair. A cette occasion, il est souvent évoquée une absence de « consolidation situationnelle ». Pour autant, cette notion est loin d’être définie, et, du point de vue de votre avocat, ne peut être retenue comme une notion médicolégale, avec une réelle portée juridique.

Nous pensons quant à nous qu’il n’existe qu’une seule date consolidation, qui détermine la date de référence pour toute l’indemnisation des préjudices. C’est la date de consolidation médicolégale, fixée par les médecins experts.

Si certains ne peuvent être encore réglés en raison de variables qui sont encore inconnues, leur indemnisation n’est pas reportée à une nouvelle date de consolidation situationnelle, qui surviendrait alors en doublon avec la consolidation médico-légale. Leur indemnisation est tout simplement réservée.

Cette façon de penser est à notre sens confortée par de récentes décisions de la Cour de Cassation.

La Cour de cassation, par un arrêt de la 2ème chambre civile du 16 janvier 2020, 18-24.847, casse par exemple un arrêt de la Cour d’Appel qui avait comparé le salaire perçu par la victime avant son accident avec le SMIC sans actualiser le préjudice au jour de sa décision.

La haute juridiction rappelle donc le principe de l’actualisation des préjudices « situationnels » et patrimoniaux au jour de la décision, et non au jour de la date de consolidation, qui peut être ancienne.

Cela est d’autant plus vrai, que la jurisprudence de la Cour de Cassation vient de mettre à néant la notion d’aggravation exclusivement « situationnelle ».

– La notion d’aggravation situationnelle:

Pour la victime d’un accident corporel, la vie suit son cours avec ses difficultés, les aléas de sa vie personnelle. Son indemnisation n’a pas comme effet magique de figer sa situation pour l’avenir, de lever les incertitudes sur son évolution.

Pour les victimes, de nouveaux évènements de la vie sont résolument en lien avec l’accident et provoquent de nouveaux bouleversements:

– Une séparation de la famille qui met fin à l’aide humaine bénévole dans les actes de la vie courante, dont le coût va alors être majoré par le recours  à une aide à la personne rémunérée,

– La perte de son emploi, qui avait été repris, mais qui s’avère en réalité, avec le temps, trop difficile ou inadapté.

– Le déménagement, qui va induire des contraintes et des frais nouveaux.

etc….

Pour peu que le lien avec l’accident soit direct et établi, les victimes s’estimaient alors fondées à demander une indemnisation complémentaire, pour compenser leurs nouvelles difficultés, leurs nouvelle dépense.

Le fondement de leur réclamation était alors une aggravation situationnelle.

Jusqu’à des décisions récentes, une telle action leur était alors ouverte, à l’instant même ou les facteurs d’aggravation était démontrables, objectifs, et qu’ils était surtout la conséquence directe et certaine de leur accident.

Nouvelle jurisprudence: L’aggravation situationnelle ne peut plus être détachée d’une aggravation fonctionnelle:

Il fallait s’y attendre. Si la réparation intégrale du préjudice demeure un principe directeur du droit de l’indemnisation du préjudice corporel, l’exigence d’un lien de causalité suffisant entre les préjudices subis par la victime, et les atteintes physiologiques à sa personne s’impose tout autant.

Or, l’arbitrage de la question vient malheureusement d’évoluer défavorablement pour les victimes corporelles.

Dans bien des cas, la victime était fondée à demander une nouvelle indemnisation, lorsque ses conditions de vies, son activité professionnelles, était à nouveau impactées par l’accident, compte tenu de circonstances indépendantes de sa volonté ou de ses choix, qui ont aggravé ses difficultés.

Il n’était pas nécessaire que son état physiologique se soit quant à lui aggravé sous un aspect médical.

La Cour de Cassation revient sur ce paradigme.

Par de récents arrêts La Cour de Cassation refuse d’indemniser la victime corporelle d’une aggravation qui ne serait liée qu’à l’évolution de sa situation personnelle et/ou professionnelle, sans être rattachée à une aggravation de l’atteinte fonctionnelle imputable à l’accident initial.

Voir en ce sens:

2ème Chambre civile, 17 janvier 2019, 17-25.629 : l’aggravation situationnelle ne s’analyse pas pas comme une aggravation au regard des dispositions de l’article 2226 du code civil

Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 5 mars 2020, 19-10.323, en l’absence d’aggravation fonctionnelle, c’est à dire « médicale », le fait que les modalités et le coût de prise en charge de la tierce personne soit lié à de nouvelles conditions de vies imposées à la victime, ne justifie pas la révision de l’indemnisation initiale, alors basée sur une aide familiale bénévole.

Cette évolution est certes regrettable, mais il va falloir la prendre en compte, et votre avocat diplômé dans l’indemnisation du préjudice corporel devra désormais étayer ses demandes par un nouvel état des lieux médical, permettant de rattacher l’aggravation situationnelle à une aggravation fonctionnelle.

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