Que vous soyez victime ou responsable d’un accident impliquant un Engin de déplacement Personnel, vous risquez d’être confrontés à de graves difficultés:
– Si vous êtes responsable, vous risquez de ne pas être couvert par votre assureur.
– Si vous êtes victime, vous serez confrontés à un régime d’indemnisation moins favorable, qui vous contraindra bien souvent à engager une procédure;
La fonction de déplacement au sein des villes connaît une indéniable révolution avec l’offre pléthorique d’engins légers à moteurs électrique, dont certains sont même disponibles en libre service dans certaines ville.
Le temps d’une répartition claire des espaces de circulation est révolu.
La chaussée de circulation n’est plus exclusivement l’espace réservé des voitures et cyclo-moteurs, il est désormais partagé aussi par des vélos traditionnels, des vélos à assistance électrique, des vélos à motorisation électrique (dépassant les 25km/h et assujettis une immatriculation..).
Mais une plus grande diversification est observée sur les espaces traditionnellement réservés aux piétons.
Sont déjà concernés depuis longtemps les vélos et les rollers, notamment sur des espaces de circulation partagés, comme par exemple à NICE, sur la promenade des anglais.
De nouveaux engins motorisés surgissent en force, avec les progrès de l’assistance électrique embarquée.
On peut citer par exemple : les gyropodes, les trottinettes électriques, les skate et gyroskates, électriques, les gyroroues…et la liste n’est pas prête de s’arrêter……
Pour le code de la Route, il s’agit d’EDP – Engins de Déplacement Personnels.
Lorsque la loi du 6 juillet 1985 est entrée en application, le distinguo était clair entre le statut de conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, à savoir une voiture, un camion, une moto, un cyclomoteur, et le reste des usagers de la route, non motorisés, à savoir les piétons, les cyclistes
Le conducteur ou le simple piéton ne sont pas indemnisé de la même manière en cas d’accident corporel de la ciculation:
Pour les premiers, l’article 4 prévoit que la victime d’un accident corporel peut être privée en tout ou partie de son droit à indemnisation, en tant que conductrice, si elle a commis une faute de conduite qui a contribué à la survenance de l’accident.
En revanche, selon l’article 3 de la loi, « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »
Pour les piétons, les cyclistes et les autres usagés, la loi exclut donc que leur comportement, même fautif, puisse leur être opposé pour venir réduire ou limiter leur droit à indemnisation, sauf faute inexcusable.
L’arrivée de nouveaux engins équipés d’un moteur électrique poste donc clairement la question de savoir s’ils sont considérés ou non comme des « véhicules terrestre à moteur ».
Dans le premier cas, la faute de leur utilisateur, lors de la survenance d’un accident, devrait conduire à la remise en cause de son droit à indemnisation.
Dans le second, il devrait bénéficier de l’absolution offerte aux autres usagers victimes d’un accident corporel.
La logique voudrait, en présence d’un moteur, que les nouveaux engins à motorisation électrique soient considérés pour ce qu’ils sont, à savoir des véhicules terrestres à moteur.
Ce raisonnement s’impose d’autant plus que la Cour de Cassation a d’ores et déjà jugé qu’une mini moto à moteur, devait être considérée comme un véhicule terrestre à moteur en cas d’accident corporel, même s’il s’agit d’un jouet conduit par un enfant. Elle a même retenu cette même qualification pour un trottinette en 2011, étant toutefois précisé que l’engin permettait d’atteindre la vitesse de 30 km/H`
Une décision comparable et la même chambre civile (2e) a retenu la même année, la qualification de véhicule terrestre à moteur pour une trottinette.
Cependant, cet engin était non homologué et pouvait donc atteindre également une vitesse de l’ordre de 30 km/h.
Mais surtout, leur déplacement est autonome, et, contrairement à un vélo à assistance électrique homologué, n’ont pas besoin de la force musculaire pour se déplacer.
On peut donc en déduire que la qualité de conducteur, au regard du droit à indemnisation, va surtout dépendre du déplacement autonome de l’engin, ainsi que sa vitesse, qui, pour homologation, et en vertu de l’article R 311-1 du Code de la Route, ne doit pas dépasser 6km/h.
Un arrêt de La cour d’appel d’Aix-en-Provence du 23 novembre 2017 confirme cette analyse. La Cour refuse de considérer une trottinette électrique comme un véhicule terrestre à moteur dont il n’est pas démontré que sa vitesse maximale dépasse les 6 km/h.
Si un Engin de Déplacement Personnel n’est pas un véhicule terrestre à moteur, le Code de la Route n’assimile pas pour autant son utilisateur comme un piéton.
Leur présence sur les trottoirs (réservés au seuls piéton) est donc uniquement tolérée….mais uniquement pour ceux dont la vitesse ne dépasse pas 6 km/h.
Cependant, ces mêmes engins ne sont pas non plus autorisés à circuler sur la route, et même sur les pistes cyclables.
En fait, il n’existe aucune règlementation claire à ce jour, et un texte est à l’étude. Il devait d’ailleurs voir le jour à la fin de l’année 2018.
Pour les conducteurs:
Si vous êtes conducteur d’un engin de déplacement, électrique ou thermique, vous devez vérifier que vous êtes couvert si vous provoquez un accident.
Cette précaution est tout à fait fondamentale lorsque l’on sait que l’indemnisation d’un préjudice corporel peut atteindre des sommes considérables.
Même en présence d’un choc moyen, une fracture, des lésions dentaires, et leur potentiel de complications peuvent engager votre responsabilité pour des dizaines de millier d’Euros.
Si vous n’avez pas souscrit une assurance spécifique, votre responsabilité civile est en principe couverte par votre contrat multirisques habitation.
Cependant, la plupart de contrats d’assurance de ce type excluent les dommages provoqués lors d’un accident de la circulation.
Si votre engin circule à moins de 6km, ou a besoin d’une assistance musculaire pour se déplacer, la jurisprudence actuelle vous protège en principe, mais vous devrez probablement recourir au recours d’un avocat pour vous défendre face à l’assureur, au besoin dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Si votre EDP n’est pas homologué, vous n’êtes pas assuré, et toute l’indemnisation de la victime et de la Sécurité Sociale sera alors à votre charge.
En outre, pour conduire un tel engin, en application de l’article R 211-2 du Code de la Route, l’utilisateur doit avoir au moins 14 ans et être titulaire a minima du BSR.
C’est ainsi que si votre jeune enfant blesse quelqu’un avec un tel engin, même en cas d’accident, vous risquez de ne pas être couvert.
Si, en tant qu’utilisateur, vous êtes victime, vous serez a priori indemnisé comme un piéton si votre engin est homologué, et roule à moins de 6 km/h.
Si ce n’est pas le cas, votre comportement lors de l’accident sera analyse, et la moindre faute pourra vous être opposée pour réduire ou même annuler votre droit à indemnisation.
Il ira de même si vous n’étiez pas équipé d’équipements de protection.
Pour les piétons, les cyclistes, victime d’une collision d’un accident corporel impliquant un EDP:
Si l’engin est homologué, il ne sera pas considéré comme un véhicule terrestre à moteur, et vous serez alors privé de la procédure d’indemnisation simplifiée de la loi du 5 juillet 1985.
C’est ainsi que votre propre comportement sera analysé, et qu’une faute pourra vous être opposée face à votre demande d’indemnisation.
Maître DENIS-PERALDI, avocat en droit de l’indemnisation du préjudice corporel, défend par exemple une jeune enfant renversée sur une piste cyclable, à laquelle il est reproché par un comportement agité.