30 Mai 2022
UNE MEILLEURE INDEMNISATION DU DEFICIT FONCTIONNEL PERMANENT

Bienvenue sur cette nouvelle publication de Maître DENIS-PERALDI, avocat à NICE, spécialiste en droit du Dommage Corporel.

L’indemnisation du préjudice corporel répond à une méthodologie d’évaluation très technique.

Depuis des dizaines d’années, et notamment depuis la loi BADINTER du 5 juillet 1985, les professionnels de l’assurance et les avocats de victime ont élaboré un vocabulaire commun.

Dans un but d’harmonisation des principes de l’indemnisation, le préjudice corporel a été découpé en postes de préjudice. Chaque poste de préjudice tient sa définition, son interprétation, et sa propre méthode d’évaluation.

Alors que les assureurs, pour la gestion du risque, aspirent à un système figé, aligné sur des barèmes d’indemnisation, les avocats des victimes recherchent une constante évolution.

Pour illustrer le propos, l’évaluation financière du Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) est un parfait exemple.

Qu’est ce que le DFP (Déficit fonctionnel Permanent)?

Il s’agit tout d’abord d’un préjudice dit « permanent ». Cela signifie qu’il affecte la victime, à compter de sa consolidation médicolégale, jusqu’à son décès.

L’indemnisation est donc à cet égard prédictive.

Avant la nouvelle nomenclature dite « DINTILHAC », ce poste de préjudice existait sous une forme bien plus restrictive sous l’intitulé AIPP, ou encore IPP.

Alors que la nomenclature existe depuis près de 20 ans, bien des médecins expert utilisent l’ancienne dénomination.

Ce « retard à l’allumage » serait évidemment pardonnable s’il s’agissait d’une simple question de vocabulaire.

Ce n’est pas le cas, et c’est bien là tout le problème!

Du temps de l’IPP (incapacité Permanente Partielle), ou de l’AIPP (atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique) l’analyse du « handicap permanent » était avant tout:

  • anatomique. Il s’agissait de raisonner à partir de la lésion,
  • Réduite à la simple atteinte fonctionnelle « objective » dans les actes de la vie courante, à partir d’un barème (toujours actuel…et oui…) sans tenir compte des spécificités de la vie de la victime concernée.

L’approche du DFP est bien différente, car elle englobe désormais tout ce qui impact la sphère personnelle de chaque victime. Le DFP englobe surtout les douleurs chroniques, permanentes, de la victime, qui étaient auparavant indemnisées au titre du « pretium doloris ».

Voici la définition du DFP, telle que proposée par le rapport DINTILHAC (et adoptée par les tribunaux):

« Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement le s atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité d e vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. »

Les principes ont donc totalement changé. Mais pas les habitudes de certains médecins experts et des régleurs des compagnies d’assurance.

Le DFP continue en effet d’être indemnisé:

  • Sur la base d’un pourcentage de handicap, extirpé du fameux barème médico-légal du concours médical dont la dernière édition remonte à 2003 (Le changement de nomenclature est pourtant intervenu en 2005). Voir notre article sur le sujet.
  • Sans tenir compte des nouvelles composantes, propres à chaque victime, telles que la douleur, les troubles dans les conditions d’existence.
  • A partir d’une évaluation du point de DFP (ex pour 15% de DFP (15 X valeur du point), cette valeur tenant compte, à juste titre de l’âge de la victime à la consolidation. En effet, plus une victime est âgée, moins elle est sensée subir dans le temps son atteinte physiologique).

Cette méthode d’évaluation à partir d’une valeur du point perdure encore aujourd’hui, sans que nul ne se soit penché sur l’apropos d’une telle règle.

Pourtant, si la Cour de Cassation veille à ce que les nouvelles définitions des préjudices soient respectées, elle n’a jamais imposé à ce jour une méthode spécifique de chiffrage.

Les avocats spécialistes en droit du dommage corporel doivent donc se réveiller, et réfléchir à une évaluation plus performante.

Une telle réflexion est légitime.

A l’instant même où le Déficit Fonctionnel Permanent inclut la perte d’une qualité de vie, une limitation fonctionnelle qui affecte chaque victime, au regard de son mode de vie avant l’accident, le raisonnement par détermination de la valeur du point n’a plus de sens.

C’est d’autant plus vrai que le DFP est soumis au recours des organismes qui indemnisent l’incapacité permanente.

Ces derniers absorbent généralement l’indemnité qui revient à la victime.

En effet, l’indemnisation qu’ils versent s’opère bien souvent sous la forme d’une rente viagère, qui, capitalisée sur la vie entière, aboutit à des sommes bien plus importantes.

L’idée serait donc de proposer au tribunaux d’indemniser le DFP:

  • en partant des habitude de vie de chaque victime,
  • En tenant compte des perturbations qui lui sont propres, tant au regard de son incapacité qu’en considération de ses conditions d’existence,
  • De déterminer alors une juste somme, qui doit lui revenir chaque jour en compensation, et non de manière forfaitaire pour sa vie durant.
  • De capitaliser alors cette somme par l’application du prix de l’euro de rente.

C’est un peu complexe….alors procédons par l’exemple.

Une femme de 25 ans subit un DFP évalué à 20%.

Selon la méthode habituelle, on peut estimer une évaluation du point de DFP à 2.600€, soit une indemnisation de ce poste à hauteur de 52.000€.

Si l’on considère désormais qu’on peut raisonnablement indemniser sa situation, tant physique que contextuelle à hauteur de 5€ par jour. (ce qui est somme toute raisonnable).

Sur l’année, cela nous donne 5€ X 365 jours = 1.825€.

Selon le barème le plus courant, la capitalisation viagère de cette somme pour une femme de 25 ans, donne un prix de l’euro de rente (multiplicateur) de 60,273.

L’indemnité qui lui revient alors est de 60,273 X 1.825€ = 109.998€.

Cela change la donne non?

Reste à étayer le raisonnement…..mais sur ce point, la présente publication, qui tend à engager les avocats des victimes à une réelle réflexion, ne peut révéler ce que le cabinet de Me DENIS-PERALDI adopte à titre personnel, pour ses clients.

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