L’avocat spécialisé dans l’indemnisation des victimes d’un accident corporel face à la délicate question des barèmes médico-légaux :
L’avocat chargée de la défense d’une victime d’un préjudice corporel, qu’il résulte d’un accident de la circulation, un accident médical, un accident de travail, un accident domestique, doit pouvoir présenter son argumentation à partir d’une évaluation objective des conséquences médicales (physiques et psychologiques) de l’accident.
C’est pourquoi le recours à un médecin expert s’avère incontournable, que l’indemnisation de la victime soit recherchée, via son avocat, dans un cadre amiable, ou devant un juge.
Une page consacrée à l’expertise médicale sera très bientôt publiée sur le site de maître Laurent DENIS-PERALDI, avocat à NICE, praticien du droit de l’indemnisation des préjudices corporels.
En effet, l’expertise médicale restera toujours l’étape cruciale du processus de l’indemnisation de la victime d’un accident. C’est à ce stade que l’essentiel se joue.
Le choix de l’expert, sa compétence, sa neutralité, son indépendance sont souvent l’objet de discussions, à juste titre.
Au delà de la théorie, l’avocat à la recherche de la meilleure indemnisation du préjudice corporel s’appuie également sur son expérience professionnelle, au cours de laquelle il va connaître la pratique, les modes de fonctionnement, des différents médecins qui sont chargés de conduire les expertises.
En revanche, le recours à des barèmes d’évaluation médico légale semble rester en dehors des préoccupations des acteurs du processus d’indemnisation, comme s’il s’agissait d’un sujet sans intérêt, et surtout sans réelle influence sur la qualité de l’indemnisation obtenue.
C’est un tort !
L’existence de barèmes médico-légaux est un outil qui contribue à la plus juste indemnisation des victimes d’accidents :
A notre connaissance il n’existe qu’un seul pays où de tels barèmes sont inutilisés, à savoir le Royaume Uni. Ceci s’explique par le fait que le droit anglais est « coutumier » ce qui signifie que toute l’évaluation va reposer sur une sorte de jurisprudence….
Par exemple, plutôt que de retenir qu’une dolorisation du rachis cervical est évaluée par un barème médico-légal à 5% de Déficit Fonctionnel Permanent, l’expert et le juge outre Manche vont fonder leur évaluation sur ce qui a été retenu dans des cas similaires.
Cette pratique ne nous semble pas optimale sur le plan technique.
En revanche, elle a le mérite évident de garantir aux victimes d’un accident corporel que leur indemnisation est déterminée en fonction de toutes les spécificités et aspects humains et socio-professionnels de leur cas personnel…C’est la garantie d’une personnalisation de l’indemnisation, que les avocats des victimes se doivent de défendre, toujours et encore, sans jamais baisser la garde.
Le recours à un barème d’évaluation doit donc contribuer à une meilleure méthodologie, à une meilleure objectivité de l’analyse, à une harmonisation. Il va fournir une échelle de mesure.
Il s’agit donc d’un outil qu’on ne saurait contester, ni dans sa légitimité, ni dans son utilité théorique et pratique.
Il n’existe pas de barème d’évaluation médico-légale unique, mais plusieurs barèmes dont il faut étudier les sources et les évolutions.
Les Compagnies d’assurance, sur lesquels pèses la charge de l’indemnisation des victimes d’accidents, aspirent depuis des décennies à la réforme du droit de l’indemnisation.
On entend souvent dire que les assureurs « ne veulent rien payer ou payer le moins possible ».
Cette affirmation est un peu caricaturale, d’autant qu’on ne peut objectivement reprocher à un assureur de vouloir préserver ses intérêts économiques, pourvu qu’il les défende loyalement.
A bien y réfléchir, le système d’assurance doit être préservé car lui seul garantit une indemnisation des victimes d’accidents corporels.
Cette indemnisation reste nécessairement imparfaite puisqu’une somme d’argent ne sera jamais la juste compensation d’une santé abîmée, d’un handicap lourd, de la perte d’un être cher.
L’indemnisation des victimes d’accidents corporels doit cependant réparer TOUT LE PREJUDICE DE LA VICTIME, dans son intégralité et dans toutes ses spécificités, et non participer financièrement de manière partielle, imparfaite, et forfaitaire, à la réparation du préjudice subi.
Il est donc plus juste, au regard de la pratique, de considérer qu’un assureur, dont le métier reste la gestion d’un risque, rechigne clairement à devoir payer des sommes qui n’aurait pas prévu de payer, en raison d’une situation particulière de la victime indemnisable, qui vient tout d’un coup augmenter considérablement la charge de l’indemnisation.
Sur ce point, les avocats praticiens de l’indemnisation des victimes d’accidents corporels, que ce soit à travers les associations professionnelles, ou dans leur pratique de terrain, sont toujours parvenus à maintenir la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, qui affirme toujours que la réparation du préjudice corporel ne peut être limitée dans son montant tant qu’il s’agit de compenser un dommage subi et démontré.
Mais les Compagnie d’assurances restent puissantes et inventives. Ne pouvant contrer le régime d’indemnisation actuelle, elles ont donc entrepris de contourner l’obstacle en intervenant en amont, sur les barèmes d’évaluation médico-légaux.
a) L’origine des barèmes d’évaluation médico-légaux – Les premiers barèmes d’évaluation pour les accidents de travail :
Comme il n’existe aucun barème imposé par le législateur, plusieurs barèmes d’évaluation ont vu le jour, selon des méthodes et des directives d’élaborations qui demeurent obscures, et peu compréhensibles.
A l’origine, la notion même de barème d’évaluation s’est imposée au début du 20e siècle, lorsque la loi du 9 avril 1898 a imposé une indemnisation spécifique et forfaitaire des accidents du travail, en fonction d’un taux d’incapacité. (Système toujours en vigueur aujourd’hui, mais uniquement pour les accidents de travail….les victimes des autres d’accidents ont donc été toujours sauvegardées).
Il fallait donc un barème, qui a malheureusement inspiré durablement l’élaboration des barèmes « en droit commun ».
En effet, la différence majeure entre l’évaluation du préjudice corporel en matière d’accident de travail et pour les accidents de droit commun reste qu’elle appréhende pour le premier cas le dommage corporel selon des critères anatomiques (un bras vaut tant, un œil vaut x, etc), alors que, pour les autres accidents corporels (droit commun), l’évolution a toujours été dans le sens d’une approche fonctionnelle des lésions et handicaps subis.
L’approche fonctionnelle du préjudice corporel, bien plus juste et favorable à l’indemnisation des victimes, aurait donc dû être la base du raisonnement des concepteurs de nouveaux barèmes d’évaluation du préjudice corporel en droit commun.
Mais cela n’a jamais été le cas des barèmes principaux, qui furent élaborés avec l’intervention massive et clairement prédominante des médecins de compagnie d’assurance.
b) L’intervention des assureurs lors de l’élaboration des barèmes d’évaluation médicaux.
Les travaux débutèrent en 1987 avec un premier subterfuge, consistant à prétendre que les travaux associaient « tous les acteurs de la réparation du préjudice corporel » à travers « La société de médecine légale et de Criminologie de France », en charge du projet
En effet, dans la réalité, les acteurs qui furent associés au projet étaient tous des médecins, de sorte que les juristes, et notamment les avocats spécialisés dans l’indemnisation du préjudice corporel, furent ni plus ni moins écartés.
Or, nul ne peut décemment contester aujourd’hui que seuls les avocats praticiens de l’indemnisation sont à même de répercuter aux experts et aux juges, les dimensions humaines et socio-professionnelles d’un préjudice corporel subi par leur client, dont ils ont recueilli les doléances, les angoisses pour l’avenir et dont ils connaissent le projet de vie, à l’occasion une relation intime et de confiance, inaccessible aux médecins.
C’est dans ces conditions qu’à vu le jour en 1993 « le barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun » du « concours médical », communément dénommé le barème du concours médical.
Si l’élaboration de ce barème a associé en apparence l’association des médecins recours pour les victimes d’accidents corporel, le groupe de travail était en revanche outrageusement représenté par les médecins de l’association AREDOC (Association pour l’étude de la réparation du dommage corporel), qui, comme son nom ne l’indique pas, regroupe les médecins de compagnies d’assurance.
Or, ce barème d’évaluation du concours médical est celui qui est très largement utilisé par les médecins experts, même lorsqu’ils interviennent dans le cadre d’une mission judiciaire.
N’est-il pas légitime de s’interroger sur l’objectivité et l’équité d’un barème dont on sait qu’il a été élaboré par les compagnies d’assurance, via leur réseau de médecin conseil ?
c) Le barème d’évaluation du concours médical face à l’émergence d’autres barèmes plus intègres et plus favorables aux victimes d’accidents corporels :
Les acteurs de l’indemnisation des victimes d’accidents, et notamment les avocats spécialisés dans la réparation du préjudice corporel ont alors souhaité des barèmes alternatifs à celui du concours médical.
Cette démarche n’est pas née d’une volonté de contrer le barème souverain du concours médical, mais surtout pour suivre l’évolution du raisonnement médico-légal insufflé d’une part :
· Par l’élaboration en 2005 d’une nouvelle nomenclature des préjudices, la nomenclature DINTHILLAC, qui, dans l’esprit, tend clairement à appréhender le préjudice corporel des victimes d’accident sous un angle de perte fonctionnelle, en y intégrant les souffrances psychologiques, avec une analyse propre à chaque victime.
· Par la loi sur le handicap de mars 2005, qui constitue une avancée majeure en ce qu’elle impose un niveau d’indemnisation qui ne se limite pas à une compensation du handicap par une approche anatomique, mais qui doit tendre à rétablir la victime dans ses conditions de vie antérieures, afin qu’elle retrouve sa même capacité d’interaction avec son environnement personnel, socio-professionnel, affectif….
Afin d’illustrer le propos, une victime d’accident qui devient paraplégique va être indemnisée pour la perte de la fonction de ses jambes selon un barème figé, tel que celui du concours médical.
Par une approche plus fonctionnelle, seront pris en compte également se habitudes de vie, voyages, séjours familiaux dans des pays étrangers, afin que l’indemnisation prenne également en compte les besoins humains et matériels nécessaires à la poursuite de ses activités antérieures.
C’est ainsi que sont apparus de nouveaux barèmes d’évaluation médico-légale tel que le « barème d’évaluation médico-légale de la société de Médecine Légale ».
Ce barème, élaboré de manière paritaire, est indéniablement celui qui traduit le mieux la nouvelle approche du droit de l’indemnisation du préjudice corporel, et reste résolument moderne et très complet.
Il propose en effet, outre une approche traditionnelle des lésions et des déficiences, une analyse des différentes fonctions corporelles, motrices, mais également sensorielles, du métabolisme, psychique.
Mais surtout, ce barème a le mérite d’être accessible à la compréhension du non médecin, et de la victime elle-même. Il est donc de nature à permettre un échange beaucoup lus transparent lors de l’expertise médicales, où la victime est bien souvent mise à l’écart de la discussion.
Maître Laurent DENIS-PERALDI, avocat à NICE, travaille précisément avec ce barème pour apporter la contradiction aux médecins conseil des assureurs.
Pour autant, la pression de l’AREDOC, et, à travers elle des assureurs, a permis de relayer cette approche favorable aux victimes au second plan, à telle point que ce barème n’est plus édité depuis l’année 2000, année de sa dernière parution aux éditions ESKA.
Les dérives sournoises provoquées par les barèmes, dont peu d’acteurs semblent prendre la mesure :
Le barème du concours médical est désormais l’outil d’évaluation utilisé par tous les experts.
Or, ceux qui pratiquent le droit de l’indemnisation du préjudice corporel depuis des années, ont pu s’apercevoir qu’au fil des années, certains préjudices étaient systématiquement revus à la baisse.
Il en est ainsi par exemple des souffrances endurées. Alors qu’en 2005, la nouvelle nomenclature insiste sur la nécessaire prise en compte des souffrances psychologiques subies par la victime d’un accident corporel, les évaluations du barème du concours médical sont revues à la baisse.
Pour quelle raison ? Aucune !
La frustration des victimes et de leur conseil est alors consommée puisque d’une part, par un simple changement de vocabulaire, les nouvelles approches du préjudice corporel sont certes prises en compte dans l’analyse descriptives des postes de préjudice, tandis que leur évaluation se fonde sur un barème qui suit le mouvement inverse.
Pour autant, sauf ces exceptionnels, les experts ne jugent pas nécessaire d’indiquer sur quel barème ils fondent leurs évaluations.
Les moyens de défense des victimes et le rôle des avocats chargés de l’indemnisation de leur préjudice corporel.
Le praticien de l’indemnisation n’est pas un idéaliste mais un praticien.
Au delà des réflexions et actions qui peuvent être menées au niveau national et européen, notamment à travers des structures associatives, le rôle de l’avocat est d’obtenir la meilleure indemnisation de la victime corporelle dont il a la charge, même s’il doit pour cela composer.
Le monde de l’expertise et plus généralement de l’indemnisation du préjudice corporel est assez restreint, de sorte que tous les acteurs sur le secteur se côtoient régulièrement, avec des rôles différents et des intérêts divergents.
Les experts ne sont guère incités à modifier leurs pratiques, à changer de barèmes d’évaluation. Les chargés de dossier des compagnies d’assurance sont liés par des pratiques internes, des consignes…..
A bien y réfléchir, les solutions sont ailleurs.
En effet, et pour s’en tenir au seul sujet des barèmes d’évaluation à l’usage des médecins experts, leurs effets sur l’indemnisation finale de la victime d’un accident corporel ne devraient pas la pénaliser si cette dernière est à même d’en obtenir une juste évaluation financière de son préjudice personnel.
C’est donc au stade du règlement de chaque poste de préjudice que le système est finalement confisqué par la coexistence de barèmes ou de référentiels d’indemnisation, en fonction des cotations médico-légales fixées par les experts.
Pour ne citer qu’un exemple, tiré d’un dossier géré par le cabinet de Me Laurent DENIS-PERALDI, avocat à NICE, à la suite d’un accident de la circulation survenu dans son enfance, une jeune victime n’a pu être consolidée (stabilisation de son état permettant d’évaluer son indemnisation) qu’après 15 ans d’un parcours médical compliqué, qui lui a confisqué son enfance.
Les souffrances endurées ont été évaluées à 5/7 par l’expert, sur la base du barème du concours médical. Cette évaluation, en raison de l’approche principalement anatomique de ce barème, ne prend pas en compte la durée des souffrances.
Au stade de la liquidation du préjudice, cette évaluation ne peut juridiquement avoir pour effet d’imposer une évaluation financière des souffrances endurées et le bon sens commande que la durée exceptionnelle aboutisse à une indemnisation qui la prenne en compte.
Dans un cadre amiable, il sera évidemment difficile de négocier une indemnisation qui prenne en compte cette spécificité, car les assureurs imposent à ce stade des fourchettes d’indemnisation dont ils ne veulent pas sortir.
C’est au juge au trancher, et ce dernier, comme l’impose la Cour de Cassation, doit rechercher la plus juste indemnisation en prenant en compte la spécificité de chaque victime, sans être lié par des barèmes ou référentiels, qui sont certes utiles pour harmoniser les indemnisations, mais qui ne doivent pas à l’inverse confisquer le raisonnement, au cas par cas.
Force est de constater pourtant que bien des praticiens et bien des juges, par facilité ou ignorance des implications juridiques et techniques de la réparation du préjudice corporel, s’alignent trop souvent sur des référentiels d’indemnisation, ce qui est certes commodes et plus rapide, mais clairement contraire au droit et à l’intérêt des victimes.
Il convient donc de rester vigilant et pugnace à chaque stade du processus d’indemnisation :
– Demander systématiquement à l’expert d’indiquer sur quel barème il fonde son évaluation, et ne pas hésiter à faire valoir des discordances par rapport à d’autres barèmes, qui, juridiquement, sont équivalents,
– D’intervenir dans le cadre de l’expertise, au bon moment, pour mettre en évidence toute évaluation abstraite et/ou forfaitaire d’un dommage, alors qu’il présente au cas d’espèce des spécificités indemnisables,
– De rappeler par écrit les principes posés par la loi sur le handicap de mars 2005,
– De demander une indemnisation fondée sur un descriptif objectif et démontré des conditions d’existence de la victime, en expliquant les raisons pour lesquelles les référentiels habituels ne correspondent pas à son cas personnel.