L’incidence professionnelle est, dans bien des dossier d’indemnisation de victimes d’accident corporel, le poste de préjudice permanent qui est le plus difficile à évaluer, et qui donne lieu, dans bien des cas, à un désaccord entre l’avocat de la victime, et l’assureur.
Il est parfois difficile de s’accorder sur ce qu’il convient d’indemniser à travers ce poste de préjudice (issu de la nomenclature des préjudices de la Commission DHINTILLAC).
Les désaccords viennent en premier lieu de la coexistence de la notion l’incidence professionnelle, avec celle qui tend à indemniser strictement la perte de revenus imputable à l’accident, après la consolidation: la Perte de Gains Professionnels Futurs = PGPF.
Les deux notions sont certes proches, mais ne peuvent être confondues, la Cour de Cassation soulignant à chaque occasion que l’incidence professionnelle ne concerne pas la perte de revenus proprement dite, mais les répercussions de l’accident pour la victime sur le marché du travail, ses aspirations et projets professionnels raisonnables, la nécessité d’une reconversion etc…
C’est pourquoi les assureurs sont les premiers à proposer une indemnité forfaitaire (évidemment minimaliste), sous prétexte que l’incidence professionnelle ne peut être calculée autrement.
Maître DENIS-PERALDI, avocat à NICE, praticien de l’indemnisation du préjudice corporel au côté des victimes, a déjà plusieurs fois abordé cette notion, tant elle est importante pour une juste indemnisation, et qu’elle est trop souvent méconnue par les avocats et les experts, avec des conséquences néfastes pour la victimes. voir par exemple les publications antérieures: « L’incidence Professionnelle souvent négligée lors des expertises médicales », « Indemnisation d’un accident corporel: attention à l’incidence professionnelle ».
Si la présente actualité se justifie, c’est que la Cour de Cassation vient à nouveau d’affirmer clairement, dans un arrêt de la 2e chambre civile du 20 mai 2020, que l’indemnisation de l’incidence professionnelle ne peut être forfaitaire.
La Cour de Cassation a sanctionné la Cour d’Appel qui avait refusé de prendre en compte la réclamation d’une victime, ne pouvant plus travailler à temps complet, qui demandait une compensation de sa perte de revenus pour le reste de sa vie.
Ce qui rend cette décision très intéressante, c’est qu’elle intervient sur une conclusion médico-légale qui devient de plus en plus courante chez les médecins experts (surtout ceux des compagnies), qui, pour ne pas trancher la question fondamentale de l’incapacité ou non de la victime à reprendre son emploi, retiennent une pénibilité à l’exercice de sa profession.
Cette notion de pénibilité est, du point de vue de votre avocat à NICE, le meilleur moyen de ne pas s’impliquer dans une conclusion plus claire, de s’épargner un débat et un examen attentif de la situation de la victime.
A l’arrivée, l’indemnisation laisse un sentiment d’inachevé…et c’est bien le cas.
Ce que rappelle la Cour de Cassation, c’est que la « pénibilité » n’est pas une notion abstraite et qu’il faut déterminer son impact sur l’activité professionnelle de la victime.
Il est donc impératif que les avocats des victimes se déplacent aux expertises, et imposent à l’expert des précisions sur les conséquences objectives et concrètes de la pénibilité retenue.
Dans le cas examiné par la Cour de Cassation, la pénibilité avait semble-il comme conséquence d’imposer à la victime corporelle une réduction de son temps de travail, soit un passage à mi-temps.
On comprend donc que la victime subissait de ce fait une perte économique avérée, d’autant qu’elle avait finalement perdu son emploi.
Là où l’analyse reste complexe, c’est qu’il est parfois difficile de comprendre pourquoi cette perte de revenus n’est pas appréhendée dans la Perte de Gains Professionnels Futurs.
Du point de vue de Maître DENIS-PERALDI, avocat à NICE, la Perte de Gains Professionnels correspond à une perte de revenus constatée à la date de consolidation et après, dans le contexte limité de l’activité exercée lors de l’accident.
Si, de manière plus générale, la victime n’est plus en mesure d’avoir un emploi à temps complet, l’incidence économique va au delà de la seule profession impactée par l’accident. C’est une limitation fonctionnelle plus générale de la capacité de travailler, qui peut être transposée dans tous les emplois correspondant au profil de la victime.
Ce que demande la Cour de Cassation, dans l’intérêt évident des victimes, c’est qu’à l’instant même où il est possible de calculer une perte de revenus découlant de cette incapacité professionnelle, l’indemnisation doit être évaluée par ce calcul et non de manière forfaitaire.
A retenir car la question se pose régulièrement.